Revue de la série photo Hong Kong 2047
ENTRE LA GROTTE ET LE SOLEIL
par Steve Bisson
«La vraie rébellion est celle qui remet en question l’ordre préconstitué, non pas qu’elle le néglige au profit d’une immaturité définitivement anarchique ou hédoniste.»
Dans la récente série « Hong Kong 2047 » de Quang Lam, le photographe alterne des portraits verticaux de gratte-ciel grotesques, représentés presque comme s’il s’agissait de totems, avec des images en gros plan de systèmes de contrôle et de surveillance à distance. Les géométries froides, linéaires, anonymes et en voie de disparition de ces bâtiments sont le reflet de l’état de la ville moderne. On y lit les canons et les caractéristiques de cette poursuite vers le ciel, qui est un défi à l’éternité plutôt qu’à la hauteur.
Dans le tissu urbain dense de Hong Kong souvent cité par les photographes, notamment le regretté Michael Wolf, cette forme de rationalité constructive est notoirement extrême. Ici, le contrôle de la terre, disputé historiquement jusqu’à aujourd’hui, apparaît presque comme une traduction de cette bataille infinie de saturation du monde. Comme un totalitarisme inclusif auquel on ne peut échapper. Et c’est pourquoi une autre forme de contrôle s’insinue dans la ville.
Derrière les dispositifs technologiques qui enregistrent et fichent les citoyens, derrière cette instrumentalisation du besoin de sécurité plus ou moins induit, se cache une structure dédiée au suivi des dynamiques de croissance infinie. Un paradigme qui apparaît aussi paradoxal que le concept d’ordre mondial, qui contraint tous les peuples à une nouvelle forme d’emprisonnement. En ce sens, il est utile de citer Michel Foucalt dans Surveiller et punir : Naissance de la prison (1975).
Une prison est en quelque sorte une nouvelle forme de pouvoir technologique avec son propre langage, pas seulement verbal. Comme la prison racontée par John Carpenter en 1981 dans le film d’action de science-fiction Escape from New York, dans lequel l’île de Manhattan devient en 1997 la prison/théâtre des exclus de la société.
De même, la série de Quang Lam est une vision projetée en 2047, dans un environnement dystopique dominé par les contrôles de caméras, la surveillance par drones, l’intelligence artificielle, les bâtiments informatisés, la pollution de l’air. Dans ce scénario d’asphalte, de béton et de verre, les derniers perdants de la mondialisation se déplacent comme les héros d’une résistance insaisissable. D’une manière ou d’une autre, ces images photographient une condition urbaine plutôt que la ville elle-même.
Ils sont tellement d’actualité !
Extraits de l’article du site Urbanautica
https://urbanautica.com/review/between-the-cave-and-the-sun/1319
Pour la série complète, veuillez cliquer ici : Hong Kong 2047 – Urbanisme et Surveillance